Est-il possible de subsister sans le capital ?

“L’unique solution aux problèmes d’emploi, de manque, d’abondance, de souffrance et de chagrin peut être trouvée seulement en les analysant d’un point de vue moral et spirituel. Ces problèmes doivent êtres vus et examinés sous un jour qui n’est pas le leur.

“Les véritables relations entre le travail et le capital ne peuvent jamais être découvertes par l’égoïsme humain. Elles doivent être analysées à partir d’un objectif plus élevé que les salaires ou l’accumulation de richesses. Elles doivent être considérées selon les buts pour lesquels l’homme a été créé. Dorénavant, c’est de ce point de vue que je vous propose de réfléchir à ce sujet.

“Le capital et le travail sont complémentaires et essentiels l’un pour l’autre. Leurs intérêts sont tellement liés qu’ils ne peuvent pas être séparés. Dans les communautés civilisées et éclairées, ils sont mutuellement dépendants. S’il y avait une différence, le capital serait plus dépendant du travail que le travail du capital. La vie peut subsister sans le capital.

“Les animaux, à quelques exceptions, n’ont aucun bien et ne s’inquiètent pas du lendemain. Notre Seigneur nous les présente comme des exemples dignes d’être imités. “Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers ; mais votre Père céleste les nourrit.”

“Les sauvages vivent sans capital. En effet, la grande majorité des êtres humains vivent de leur travail au jour le jour. Personne ne peut vivre de sa richesse. Nous ne pouvons pas manger de l’or ou de l’argent et il est impossible de se vêtir des contrats ou des certificats d’actions.

“Le capital ne vaut rien sans le travail, et sa seule valeur consiste en son pouvoir d’acheter du travail ou de ses résultats.Le capital est en lui-même le produit du travail. Par conséquent, il n’y a aucune raison d’exagérer son importance. Pourtant, comme il dépend du travail, il est un facteur essentiel pour le progrès humain.

L’inévitable dépendance

“Au moment où l’homme commence à s’élever d’un état sauvage et relativement indépendant vers un état civilisé et dépendant, le capital devient nécessaire. Les gens arrivent à être étroitement liés les uns aux autres. Au lieu que chacun fasse tout de son côté, ils commencent à se consacrer à des emplois particuliers et à compter sur les autres pour leur fournir des choses pendant qu’ils se livrent à une occupation particulière. Ainsi, le travail se diversifie.

“Un homme travaille le fer, un autre le bois ; l’un fabrique des tissus, un autre les transforme en vêtements ; quelques-uns cultivent de la nourriture pour nourrir ceux qui construisent des maisons et qui fabriquent des outils agricoles.

“Cela nécessite un système d’échanges, et pour faciliter les échanges, il faut construire des routes, et pour construire les routes, il faut employer des gens.

“Comme la population augmente et les besoins se multiplient, les échanges se développent jusqu’au point où il y a des manufactures immenses, des voies ferrées, des bateaux naviguant sur toutes les mers et une multitude de gens qui ne peuvent pas fabriquer du pain, des vêtements ou toute autre chose liée directement à leurs propres besoins.

“Maintenant, nous pouvons voir comment nous devenons de plus en plus dépendants des autres au fur et à mesure que les besoins se multiplient et que la civilisation progresse. Chacun a un emploi particulier qu’il exerce de son mieux parce qu’il peut consacrer sa pensée et son temps à un métier pour lequel il est doué. Ainsi, il contribue largement pour le bien du public.

“Pendant qu’un individu travaille pour les autres, tous les autres travaillent pour lui. Chaque membre de la communauté travaille pour le corps entier, et le corps entier travaille pour chaque membre. C’est la loi de la vie parfaite, une loi qui régit partout dans le corps matériel. Chaque homme qui est engagé dans un emploi utile pour le corps ou pour l’esprit est un philanthrope, un bienfaiteur public, qu’il soit cultivateur de maïs, de coton au Texas ou en Inde, ou qu’il exploite du charbon dans les entrailles de la terre, ou qu’il charge les moteurs des bateaux.

“Si l’égoïsme n’avait pas perverti les motivations humaines, alors, tous les hommes et toutes les femmes auraient accompli la loi de la bienfaisance pendant qu’ils sont engagés dans leur travail quotidien.

“Pour mener ce vaste système d’échanges, pour placer la forêt et la ferme, l’usine et la mine côte à côte et pour distribuer les produits de tous les pays à toutes les portes, il faut d’immenses capitaux.

“Un seul homme ne peut pas en même temps travailler à sa ferme ou dans son usine et construire une voie ferrée ou une ligne de bateaux. Tout comme les gouttes de pluie ne peuvent pas à elles seules faire fonctionner un moulin ou fournir des vapeurs pour un moteur, mais, lorsqu’elles sont collectées dans un grand réservoir, elles deviennent la puissance irrésistible du Niagara ou la force qui fait fonctionner le moteur à vapeur ou le bateau.

“En d’autres termes, quelques euros dans plusieurs poches ne peuvent pas fournir les moyens pour réaliser ces vastes opérations, mais une fois réunis, ils peuvent changer le monde.

Le capital comme source d’avantages

“Le capital est un ami du travail. Il est indispensable pour son exercice économique et pour la juste récompense. Il peut être – et il l’est souvent – un terrible ennemi, lorsqu’il est employé seulement dans des buts égoïstes. Mais généralement, il est plus favorable au bonheur humain qu’on ne le soupçonne.

“Il ne peut être utilisé sans aider le travailleur d’une façon ou d’une autre, directement ou indirectement. Nous ne pensons qu’aux malheurs que nous subissons mais nous ignorons les biens dont nous jouissons.

“Nous pensons aux maux que la richesse matérielle soulagerait et aux réconforts qu’elle fournirait, mais nous oublions souvent les avantages dont nous bénéficions déjà et qui n’auraient pas existé sans de grandes accumulations de capital.

“Évaluer correctement le bénéfice que nous recevons, tout comme les maux dont nous souffrons, est l’apanage de la sagesse.

“Il y a une expression qui dit que les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, mais lorsqu’on tient compte de tous les biens des gens, il y a de bonnes raisons de douter de cette affirmation.

“Il est vrai que les riches deviennent de plus en plus riches mais il est vrai aussi que les conditions de travail s’améliorent constamment. Le travailleur ordinaire a les commodités et les conforts que les princes n’avaient pas à leur disposition il y a un siècle.Il est mieux habillé, a plus de choix en nourriture, peut déguster des plats variés, habite dans une maison plus confortable et gère plus facilement ses affaires domestiques et son travail qu’il y a quelques années.

“Jadis, un empereur ne pouvait pas voyager aussi facilement, confortablement et rapidement que le travailleur ordinaire de nos jours. Même s’il a l’impression d’être seul, sans personne pour l’aider, en réalité, il a un immense cortège de domestiques qui l’attendent constamment, prêts et impatients d’exécuter ses ordres.

“Dans le temps, il fallait une grande armée d’hommes et une immense dépense de capital pour organiser un dîner ordinaire que nous pouvons bénéficier plus facilement de nos jours.

La diversité des emplois et les bénéfices mutuels

“Pensez à la vaste organisation de moyens et de gens ainsi qu’aux forces nécessaires pour fournir ne serait-ce qu’un repas frugal.

“Le Chinois cultive votre thé, le Brésilien votre café, l’Indien oriental vos épices, le Cubain votre sucre. Le fermier cultive le blé pour fabriquer votre pain et il est possible qu’il s’occupe aussi de votre viande. Le jardinier cultive vos légumes, le crémier prépare votre beurre et votre lait. Le mineur a creusé des collines pour trouver du charbon à l’aide duquel vous cuisinez et vous vous réchauffez. L’ébéniste vous a fourni les chaises et les tables, le coutelier les couteaux et les fourchettes, le potier la vaisselle, le couturier vous a fait la nappe, le boucher prépare votre viande, et le meunier votre farine.

“Mais ces divers articles alimentaires ainsi que les moyens de les préparer et de les servir sont produits très loin de chez vous.

“Il faut traverser des océans, niveler des collines, combler des vallées, creuser des montagnes, bâtir des bateaux, construire des voies ferrées, des autoroutes et instruire une vaste armée de gens pour les employer à tous les arts mécaniques avant qu’ils puissent préparer et servir votre dîner.

“Il doit y avoir aussi des gens pour ramasser ces matières, pour les acheter, pour les vendre et pour les distribuer. Chacun a son rôle bien défini et fait son travail pour lequel il perçoit un salaire. Néanmoins, il travaille pour vous, et il vous sert aussi sincèrement et efficacement comme s’il était votre propre employé qui recevait son salaire de votre main.

“À la lumière de ces faits que chacun doit admettre, nous pouvons voir plus clairement la vérité selon laquelle tout homme et toute femme qui fait du travail utile est un bienfaiteur public, et l’idée du travail et son but ennobliront le travail et le travailleur. Nous sommes tous liés par des liens communs.

“Les riches et les pauvres, les savants et les ignorants, les forts et les faibles, tous sont reliés par un réseau social et civique. Faire du mal à l’un c’est faire du mal à tous ; aider l’un c’est aider tous.

“Vous voyez la grande armée de domestiques dont nous avons besoin pour préparer votre dîner. Ne pensez-vous pas que cela exige une quantité comparable de capital pour alimenter cette machinerie compliquée et aussi pour l’entretenir ? Ne voyez-vous pas que tout homme, femme et enfant profitent de ces avantages ?

“Comment pourrions-nous nous procurer du charbon, de la viande, de la farine, du thé et du café, du sucre et du riz ? Le travailleur seul ne peut pas bâtir des bateaux pour traverser la mer et à la fois subvenir à ses besoins. Le fermier ne peut pas quitter sa ferme pour transporter son produit au marché. Le mineur ne peut pas extraire le charbon et le transporter à la fois. Le fermier n’aurait pas les ressources pour cuisiner la nourriture et réchauffer sa maison, et le mineur aurait faim s’il n’avait pas su échanger les fruits de son travail.

“La valeur de chaque hectare de terre, de chaque forêt et de chaque mine a augmenté grâce aux routes, aux voies ferrées et aux lignes de bateaux, et, par conséquent, les conforts au quotidien et les moyens de la culture sociale et intellectuelle arrivent aujourd’hui aux endroits les plus inaccessibles.