La libre circulation des biens et du savoir

“Mais les avantages du capital ne sont pas seulement limités aux approvisionnements présents et aux conforts. Le capital ouvre également de nouvelles voies pour le travail. Il le diversifie et offre un domaine plus large à chacun, ce qui nous permet de faire le type de travail qui nous convient le mieux selon notre goût et notre compétence.

“Le nombre d’emplois créés grâce aux voies ferrées, aux bateaux, aux télécommunications et aux manufactures est très difficile à estimer. Le capital est aussi, en grande partie, investi en fournissant les moyens de la culture intellectuelle et spirituelle.

“Les livres sont publiés à des prix de plus en plus réduits et les meilleures idées du monde deviennent accessibles au travailleur le plus modeste, et ce, par l’intermédiaire de nos grandes maisons d’édition.

“Le meilleur des avantages que le simple travailleur obtient du capital est le journal quotidien. Tout ce qui s’est passé pendant les dernières 24 heures arrive dans chaque foyer et cela ne coûte que quelques centimes.

“Le travailleur peut s’acheter une voiture confortable pour pouvoir circuler plus facilement. Il peut visiter tous les endroits du monde afin de se faire une idée plus précise des événements courants.

“Bataille en Chine ou en Afrique, tremblement de terre en Espagne, explosions à Londres, débats au Congrès américain, mouvements publiques et privées pour la suppression du vice, pour instruire les ignorants, pour aider les nécessiteux et pour perfectionner les gens en général. Il a accès à toutes ces informations au même titre que les rois et les reines, les saints, les sages et les gens de toute condition.

“Avez-vous jamais pensé, en lisant le journal, combien de gens ont dû courir pour vous dans le but de réunir le plus d’informations possibles de tous les coins du monde, puis assembler le tout dans une forme commode pour votre usage ? De la réalisation du journal jusqu’à sa livraison dans les kiosques ou chez vous, il faut investir des millions d’argent et employer des milliers de gens. Et combien vous coûte tout ce service ? Juste quelques centimes.

Le capital met en marche la machinerie de la vie

“Voilà quelques exemples des avantages que nous retirons du capital, et qui ne pourraient pas être obtenus sans de grandes dépenses d’argent. Ce sont des avantages qui nous parviennent sans notre soin et qui se trouvent à nos pieds.

“Il est impossible d’investir du capital dans quelque chose d’utile sans qu’une multitude de gens n’en tirent des bénéfices. Il met en marche la machinerie de la vie. Il multiplie l’emploi. Il livre les produits de tous les pays à toutes les portes. Il réunit des gens de toutes les nations. Il met en contact les esprits et donne à chacun une partie précieuse du produit. Ceux-ci sont des faits que chacun de nous devrait prendre en considération, quelque pauvre qu’il soit.

Les vraies raisons du conflit entre le patron et le travailleur

“Si le capital est tellement indispensable pour le travail et s’il ne peut être mis en service et valorisé que par le travail, pourquoi y a-t-il des conflits entre eux ?

“Il n’y aurait aucun conflit si les deux – le patron et le travailleur – agissaient selon les principes humains et chrétiens. Mais ils ne le font pas. Ils sont gouvernés par des principes contraires à l’esprit humain et chrétien.

“Chaque partie cherche à obtenir le plus grand rendement pour le moindre service. Le patron désire des bénéfices plus importants et le travailleur un salaire plus élevé. Ainsi, les intérêts du patron et du travailleur entrent en collision directe.

“Dans cette guerre, le patron a de grands avantages dont il se sert promptement. Il demande et obtient la part du lion des bénéfices. Il méprise celui qui l’enrichit. Il prend le travailleur pour un subalterne, un esclave, dont il n’est pas obligé de respecter les droits et le bonheur. Il influence les législateurs à décréter des lois en sa faveur. Il subventionne les gouvernements et exerce son pouvoir pour son propre avantage.

“Le patron est le maître et le travailleur son serviteur. Tant que le serviteur reste docile, obéissant et satisfait de la compensation que son maître décide de lui donner, il n’y a aucun conflit.

“Mais une fois que le travailleur s’élève de sa condition servile, soumise et sans espoir, le conflit éclate. Il montre sa force et son intelligence, il comprend qu’il a des droits qui devraient être respectés, et il commence à les faire valoir et à les combiner pour les soutenir.

Les 2 parties se trompent complètement

“Chaque partie dans cette guerre considère ce sujet de son point de vue d’intérêts égoïstes. D’un côté, le patron suppose que les gains du travailleur sont une perte pour lui et qu’il doit d’abord penser à ses propres intérêts ; que moins le travail lui coûte, plus son profit est grand. Par conséquent, il est dans son intérêt de garder les prix aussi bas que possible. D’un autre côté, le travailleur pense qu’il perd ce que le patron gagne, et par conséquent, il est dans son intérêt de gagner le plus gros salaire possible.

“De ces points de vue opposés, leurs intérêts semblent être directement hostiles. L’un perd ce que l’autre gagne, d’où le conflit. Les 2 parties agissent selon leurs motifs égoïstes et, du coup, elles se trompent.

“Les 2 parties voient seulement la moitié de la vérité, et en la considérant comme toute la vérité, elles font une erreur coûteuse pour toutes les deux. Chacune reste sur sa position et voit le sujet entièrement de son point de vue dans la lumière trompeuse de son propre égoïsme.

“La passion enflamme l’esprit et aveugle la compréhension ; et quand la passion est éveillée, les gens sacrifieront leurs propres intérêts pour faire du mal aux autres et les 2 souffriront de la perte. Ils continueront à faire la guerre l’un contre l’autre, ils auront recours à tous les dispositifs et profiteront de chaque nécessité pour remporter une victoire.

“Le patron tente d’affamer le travailleur pour le soumettre, comme une ville assiégée ; et la faim et la misère sont les armes les plus puissantes. Le travailleur résiste maussadement et essaie de détruire la valeur du capital en le rendant improductif.

“Si la nécessité ou l’intérêt exige une trêve, celle-ci sera maussade et maintenue en vue de renouveler les hostilités dès qu’il y aura une perspective de succès. Ainsi, les travailleurs et les patrons se confrontent comme 2 ennemis armés, prêts à renouveler le conflit à tout moment.

“Il sera sans doute renouvelé et poursuivi avec un succès variable jusqu’à ce que les 2 parties découvrent qu’elles se sont vraiment trompées, que leurs intérêts sont mutuels et ne peuvent être garantis que si les 2 coopèrent et offrent à chacune la récompense qu’elle mérite.

“Le patron et le travailleur doivent travailler main dans la main car il y a tellement de richesses à acquérir.

Une législation juste et impartiale est-elle suffisante pour résoudre ce problème

“Comment arriver à cette réconciliation est la question qui occupe l’esprit de beaucoup d’hommes honnêtes et plein de sagesse des 2 côtés.

“La législation juste et impartiale est, sans doute, un moyen important pour modérer la passion aveugle et protéger toutes les classes de l’avidité insatiable. Et c’est le devoir de tout homme de faire tout son possible pour protéger une telle législation dans tout le pays.

“Les organisations des travailleurs pour la protection de leurs droits et pour l’assurance d’un meilleur salaire pour leur travail ont une grande influence. Cette influence continue à augmenter au fur et à mesure qu’ils se montrent calmes et fermes et qu’ils fondent leurs demandes sur la justice et l’humanité.

“La violence et les menaces ne feront de bien à personne. La dynamite, qu’elle soit sous forme d’explosifs ou de force destructrice de la passion violente et désespérée, ne guérira aucune blessure ni ne maîtrisera aucun sentiment hostile.

“L’arbitrage est, sans doute, le moyen le plus sage et le plus pratique disponible à présent pour générer des relations amicales entre ces 2 parties hostiles et pour assurer la justice à toutes les 2.

“L’initiative de donner au travailleur une part des bénéfices de la société a bien fonctionné dans quelques cas, mais il faut s’attendre à beaucoup de difficultés car cela exige plus de sagesse, de maîtrise de soi, et un véritable respect pour les intérêts communs des 2 parties.

“De nombreux dispositifs pourraient avoir un effet temporaire et partiel. Mais jusqu’à maintenant, il n’y a aucune solution permanente trouvée pour résoudre ce conflit sans réprimer et finalement éliminer sa cause.

La seule solution au conflit

“Sa vraie cause centrale est l’amour excessif de soi- même et du monde, et cette cause demeurera tant que le monde existe.

“La cause peut être réprimée et modérée, mais elle s’affirmera quand l’occasion se présente. Chaque homme sage doit, donc, chercher à éliminer la cause, et ainsi, il limitera les effets. Épurez la source et vous rendrez tout le flux d’eau pur et sain.

“Il y a un principe d’influence universelle qui doit soutenir et guider tous les efforts fructueux visant à rapprocher ces 2 grands responsables du développement humain qui s’affrontent. Ce n’est pas mon invention ou ma découverte.

“Ce principe exprime une sagesse plutôt supérieure à celle de l’homme. Il n’est pas difficile à comprendre et à appliquer. Même un enfant peut le comprendre et agir selon lui. Il est universel dans son application et entièrement utile par ses effets. Il allègera le fardeau du travailleur et augmentera ses récompenses. Il rassurera le patron et accroîtra ses bénéfices.

“C’est tout simplement la Règle d’Or, exprimée dans ces mots : “Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-même pour eux : c’est la loi et les prophètes.”

“Avant de commencer à appliquer ce principe pour résoudre le problème dont nous parlons, permettez-moi d’attirer votre attention particulière sur lui. Il s’agit d’une loi extraordinaire de la vie humaine, qui semble avoir été négligée par les hommes d’état, les philosophes et les professeurs de religion. Cette règle reflète l’ensemble de la religion. Elle renferme tous les préceptes, les commandements et les moyens des triomphes futures du bien sur le mal, de la vérité sur l’erreur, la paix et le bonheur des gens, prédits par les visions magnifiques des prophètes.

“Souvenez-vous de ces mots. Ils ne disent pas tout simplement qu’il s’agit d’une règle sage qui est en accord avec les principes de la règle divine révélée par la loi et les prophètes. Elle réunit tous les principes ; elle “EST la loi des prophètes.”Elle comprend l’amour pour Dieu. Elle dit que nous devons Le considérer comme nous voulons qu’Il nous considère ; que nous devons Le traiter comme nous voudrions nous-mêmes être traités.

“Si nous voulons qu’Il nous aime de tout son cœur, de tout son âme, de tout son esprit et de tout son pouvoir, nous devons L’aimer de la même façon. Si nous voulons que notre voisin nous aime comme il s’aime lui-même, nous devons l’aimer comme nous-mêmes. Telle est la loi universelle et divine du service humain et de la communion. Ce n’est pas un précepte de la sagesse humaine ; mais elle a son origine dans la nature divine et son incarnation dans la nature humaine.

“Maintenant, allons appliquer cette loi au conflit entre l’employeur et l’employé.

Employeur : cessez de traiter vos employés comme de simples outils

“Supposons que vous êtes patron. Votre argent est investi dans des manufactures, des terres, des mines, des marchandises, des chemins de fer et des bateaux, ou vous le prêtez à d’autres à intérêt. Vous employez, directement ou indirectement, des gens pour utiliser votre capital. Vous ne pourrez pas arriver à une juste conclusion concernant vos droits, vos devoirs et vos privilèges si vous ne pensez qu’à vos propres gains.

“L’éclat de l’argent et de l’or séduira votre esprit si fortement que vous deviendrez aveugle à toute autre chose. Vous ne voyez que vos propres intérêts. Vous ne considérez pas votre employé comme un homme qui a des intérêts que vous devez prendre en compte. Vous le voyez seulement comme votre esclave, votre outil, votre moyen de vous enrichir davantage. Dans cette optique, il est votre ami tant qu’il vous sert et votre ennemi s’il ne le fait pas.

“Mais changez votre point de vue. Mettez-vous à sa place et mettez-le à votre place. Comment voudriez-vous qu’il vous traite si vous étiez à sa place ?

“Peut-être que vous avez déjà été à sa place. C’est le cas, selon toute probabilité, car le patron d’aujourd’hui a été le travailleur d’hier, tout comme le travailleur d’aujourd’hui sera peut-être l’employeur de demain.

“Vous savez depuis votre expérience vivante et douloureuse comment vous aimeriez être traité. Est-ce que vous voudriez être considéré comme un simple outil ? Ou comme un moyen d’enrichir un autre ? Est-ce que vous aimeriez gagner un salaire limité au strict nécessaire ? Est-ce que vous aimeriez être regardé avec froideur et traité avec brutalité ? Est-ce que vous aimeriez avoir votre sang, votre force, votre âme convertis en euros au profit d’un autre ?

“C’est facile de répondre à ces questions. Chacun de nous sait qu’il préfèrerait être traité avec bienveillance, qu’il aimerait voir qu’on tienne compte de ses intérêts et que ses droits soient reconnus et protégés.

“Nous savons qu’une telle considération éveille une réaction chez l’autre. La gentillesse engendre de la gentillesse ; le respect suscite le respect. Mettez-vous à sa place. Imaginez que vous avez affaire à vous-même et vous n’aurez aucune difficulté à décider s’il faut davantage augmenter la pression pour extorquer un centime de plus des muscles de votre employé ou s’il faut relâcher la pression, et, si possible, ajouter quelque chose à son salaire, et lui montrer du respect pour son service. Faites-lui ce que vous voudriez qu’il vous fasse si vos places étaient inversées.

Employés : N’attendez pas un salaire non justifié

“Supposons que vous êtes travailleur. Vous recevez une certaine somme pour une journée de travail. Mettez-vous à la place de votre employeur. Comment est-ce que vous aimeriez que les gens que vous employez travaillent pour vous ? Est-ce que vous jugez bon qu’ils vous considèrent comme leur ennemi ? Est-ce que vous croyez qu’il serait honnête de leur part de faire le moindre effort et de gagner le plus possible ?

“Si vous aviez un contrat important qui doit être réalisé dans un certain délai, faute de quoi vous subirez de lourdes pertes, est-ce que vous aimeriez que vos travailleurs profitent de votre contrat urgent pour forcer une augmentation de leur salaire ?

“Est-ce que vous jugez qu’il serait bon et sage de les laisser se mêler à la gestion de vos affaires et de vous dicter qui vous devriez employer ou à quelles conditions vous devriez les employer ? Est-ce que vous n’aimeriez pas qu’ils travaillent honnêtement et garder la bonne humeur ?

“Est-ce que vous ne seriez pas beaucoup plus disposé à penser à leurs intérêts, à alléger leur travail, à augmenter leur salaire lorsque vous pouvez vous permettre de le faire ; et à prendre soin de leurs familles, si vous appreniez qu’ils ont considéré vos intérêts eux aussi ? Je sais qu’il serait ainsi.