La psychologie des beaux habits

Quand j’ai reçu la bonne nouvelle de la fin de la Deuxième Guerre Mondiale le 11 novembre 1918, mes biens dans ce monde étaient presque aussi inexistants que le jour de ma naissance.

La guerre avait ruiné mes affaires et j’ai dû recommencer à zéro !

Ma garde-robe comprenait juste 3 costumes bien coupés et 2 uniformes dont je ne m’en servais plus.

Sachant très bien que les premières impressions durables sur une personne dépendent des vêtements qu’elle porte, je m’empressais alors de rendre visite à mon tailleur.

Heureusement que celui-ci me connaissait depuis plusieurs années, et n’avait pas, par conséquent, à me juger en fonction des vêtements que je portais. S’il l’avait fait, j’aurais été “fichu”.

Avec moins de 10 euros en poche, j’ai choisi pour mes costumes 3 tissus les plus chers, que je n’ai jamais eus de ma vie, et j’ai demandé à ce qu’ils seraient tout de suite assemblés et cousus.

Les 3 costumes coûtaient 3.750 euros !

Je n’oublierai jamais la remarque faite par le tailleur lorsqu’il prenait mes mesures. Il jetait d’abord un coup d’œil aux 3 rouleaux d’onéreux tissus que j’ai choisis, ensuite il est venu vers moi et m’a demandé :

“Vous êtes bien payé, hein ?”

“Non,” lui ai-je répondu, “si j’avais la chance d’être bien payé, j’aurais assez d’argent pour régler ces costumes maintenant.”

Le tailleur m’a regardé avec étonnement. Je ne pense pas qu’il ait compris ma plaisanterie.

L’un des costumes avait une belle couleur gris foncé, l’un était bleu foncé et l’autre était bleu clair à fines rayures.

Heureusement que j’étais en bon terme avec le tailleur et il ne m’a pas demandé quand j’allais payer ces costumes très onéreux.

Je savais que je pouvais payer ces costumes en temps et en heure, mais est-ce que j’arriverais à le convaincre de cet argument ? C’était la pensée qui trottait dans ma tête et j’espérais qu’il n’allait pas me poser la question.

Ensuite, je suis allé dans un magasin de prêt-à-porter où j’ai acheté 3 costumes un peu moins chers et j’ai fait une réserve complète de belles chemises, faux-cols, cravates, chaussettes et sous-vêtements.

La facture s’élevait à un peu plus de 3.000 euros.

D’un air prospère, j’ai signé avec nonchalance la note de débit et l’ai retourné au vendeur, en lui donnant pour instructions de livrer mes achats le lendemain matin.

Le sentiment d’une nouvelle indépendance et de succès a commencé à me saisir, avant même de porter mes beaux habits.

Je venais de sortir de la guerre et j’avais déjà 6.750 euros de dettes, tout cela en moins de 24 heures.

Le jour suivant, l’un des 3 costumes commandés au magasin a été livré. Je l’ai immédiatement mis, avec une pochette en soie à la poche extérieure de ma veste. J’ai mis les 500 euros que j’ai empruntés – avec ma bague comme gage – dans les poches de mon pantalon, et j’ai descendu le Boulevard Michigan, à Chicago, me sentant aussi riche que Rockefeller.

Tous les vêtements que je portais, jusqu’au sous-vêtement, étaient de très bonne qualité. Et personne – sauf moi-même, mon tailleur et le vendeur du magasin de prêt-à-porter – ne savait que tout cela n’était pas encore payé.

Chaque matin, je portais un nouveau costume, et je descendais la même rue, à la même heure précise.

Exactement à cette heure-là, un riche éditeur descendait toujours la même rue, il était sur son chemin pour aller déjeuner.

Je m’étais fait un devoir de lui parler chaque jour, et de temps en temps je m’arrêtais une minute pour discuter avec lui.

Après presque une semaine de rencontre quotidienne, je l’ai encore rencontré mais j’ai décidé de voir s’il allait me laisser passer sans lui adresser la parole.

Je l’ai regardé du coin de l’oeil, ensuite j’ai regardé tout droit devant moi en passant près de lui. Il s’est arrêté et m’a fait signe au bord du trottoir. Puis, il a posé sa main sur mon épaule, m’a regardé de la tête aux pieds, et m’a dit : “Vous avez l’air sacrément prospère pour un homme qui vient d’abandonner son uniforme. Qui crée vos vêtements ?”

“Eh bien,” lui ai-je répondu, “Wilkie & Sellery ont fabriqué ce costume particulier.”

Ensuite, il a voulu savoir dans quelle branche d’activités je me suis engagé. Cet air “désinvolte” de prospérité que j’ai adopté, avec de nouveau et différent costume chaque jour, tout cela a aiguisé sa curiosité. (C’était ce que j’avais espéré d’ailleurs !)

En donnant un petit coup à mon perfecto de La Havane pour débarrasser de ses cendres, je lui ai dit : “Oh, je suis en train de préparer la copie d’un nouveau magazine que je vais publier.”

“Un nouveau magazine ?” a-t-il demandé, “et quel nom allez-vous lui donner ?”

“Je vais l’appeler Hill’s Golden Rule.”

“N’oubliez pas,” a dit mon ami l’éditeur, “que je suis dans le secteur de l’impression et de la distribution des magazines. Peut-être que je pourrais également vous être utile.”

C’était le moment que j’avais attendu. Au moment où j’avais acheté ces nouveaux costumes, j’avais déjà imaginé ce moment, presque au même endroit où nous étions.

Mais, est-il nécessaire de vous rappeler que cette conversation n’aurait jamais eu lieu même si cet éditeur m’avait vu tous les jours descendre la rue si j’avais l’air d’un “chien battu”, dans un costume froissé et avec un regard de pauvre.

Un air prospère attire toujours l’attention, sans exception. Et une allure de prospérité attire “favorablement l’attention”, car le souhait dominant de tout être humain est d’être prospère.